LE PARTAGE QUI JOINT L'UTILE A L'AGREABLE

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QUELLES FURENT LES GRANDES AVANCÉES MÉDICALES LORS DE LA PREMIÈRE GUERRE MONDIALE ?

 

Quelles furent les grandes avancées médicales lors de la Première Guerre Mondiale ?

 

Les cinq gueules cassées qui assistèrent à la signature du traité de Versailles, le 28 juin 1919.

Il y a cent ans la guerre de 1914-1918 coûta la vie à près de dix millions de personnes. L’Europe sortit terriblement meurtrie de ces années de guerre et grands nombres d’écrivains ayant vécu dans les tranchées s’insurgèrent. C’est le cas d’Henri Barbusse avec Le Feu, Prix Goncourt en 1916, qui décrit l’horreur quotidienne vécue par les soldats. Cependant, malgré l’atrocité et la barbarie de la Grande Guerre, on doit reconnaître qu’elle permit un essor considérable de la médecine.Voici en particulier trois des plus grandes avancées de la période.

Une liqueur sauve des poilus

Aujourd’hui couramment utilisée dans le lavage des plaies,  la liqueur de Dakin* fut inventée en 1915 par un chimiste britannique, Henry Dakin, et par un chirurgien français, Alexis Carrel, lauréat du Prix Nobel de Médecine en 1912. "Exilé" aux Etats-Unis où il travaille à l’Institut Rockefeller de New-York depuis de nombreuses années, Carrel revient en France en 1914 animé par un sentiment patriote. Il s’engage en temps que médecin et ouvre dans la forêt de Compiègne l’hôpital militaire du Rond-Royal qui accueillera des soldats blessés au front. Visionnaire, Carrel développe un hôpital assez sophistiqué pour l’époque et y fait installer des laboratoires. Soutenu par la fondation Rockefeller, on lui envoie un excellent biochimiste, Henry Dakin, qui, comme lui, a fait une partie de sa carrière aux Etats-Unis. Tous deux mettront au point la liqueur Dakin, constituée d’hypochlorite de sodium, ou eau de Javel, et de permanganate de potassium. Cet antiseptique sera très utilisé, essentiellement dans les cas de gangrènes gazeuses liés à l’insalubrité des tranchées. Son utilisation permettra parfois d’éviter l’amputation, qui était jusqu’alors le traitement de référence.

Une belge et un autrichien rendent possible la transfusion

C’est à un médecin belge, Albert Hustin, que l’on doit les travaux qui ont permis une meilleure conservation du sang et l’amélioration des transfusions sanguines. Ce médecin observe en 1914, à la veille de la Grande Guerre, les propriétés anticoagulantes du citrate de soude, alors qu’il réalise une étude sur les sécrétions pancréatiques du chien. Pour ses travaux, Hustin prélève le pancréas de plusieurs chiens et tente de les perfuser artificiellement avec du sang. Malheureusement, sa coagulation naturelle limite son utilisation et le sang perfusé ne peut être employé que pour une courte période, ce qui pousse Hustin à mettre au point le citrate de soude. Il s’agit d’une découverte majeure car elle permet de conserver le sang sans coagulation pendant quatre jours et donc de pouvoir le transporter entre le donneur et le receveur. La découverte de Hustin contribuera à sauver un grand nombre de vie pendant la Grande Guerre. Très souvent, le sang des donneurs était transporté par des ambulanciers pour être ultérieurement transfusé aux receveurs. Le premier transfusé français est le caporal Henri Legrain, revenu exsangue des tranchées le 28 septembre 1914 après de sévères bombardements. Amputé, il reçoit le sang d’un breton convalescent, Isidore Colas, à l’hôpital de Biarritz. Le succès de cette transfusion est permis par la découverte de Hustin sur les propriétés anticoagulantes du citrate de soude mais également par les travaux, dans les années 1900, du médecin autrichien Karl Landsteiner sur le système de groupe sanguin ABO.

Les gueules cassées font avancer la chirurgie réparatrice

Les obus meurtriers utilisés au moment de la Première Guerre Mondiale dévisagèrent un grand nombre de poilus, tristement appelés les gueules cassées. Devant les horreurs infligées à ces soldats, les chirurgiens tentent de multiples types d'intervention visant à reconstruire leur visage, dont trois peuvent être développées. La première est la greffe ostéo-périostique dont l’objectif est de réparer des pertes de substances osseuses, souvent constatées au niveau du nez des mutilés. Mise en place avant 1914 dans la chirurgie des membres, cette technique est développée par un médecin-chef du Mans pendant la Grande Guerre, le docteur Delagenière. Cette greffe consiste en un prélèvement d’un morceau de périoste sur la face interne du tibia du blessé qui est déposé sur la région à réparer.  Très malléable, le greffon prend la forme de cette région ce qui permet de restaurer l’intégrité de l’os. La greffe Dufourmentel est quant à elle utilisée pour combler des pertes de substance des parties molles au niveau de la face. Elle est mise en place assez tardivement en 1918 par le chirurgien Léon Dufourmentel. Cette greffe consiste en un prélèvement de cuir chevelu, un tissu réputé pour être de bonne qualité, qui est greffé au niveau de la perte de substance Cette technique très novatrice permettra d’améliorer l’aspect esthétique de beaucoup de mutilés dont la souffrance psychologique était restée jusque là sans réponse. Enfin, la dernière greffe importante est la greffe dite italienne, en référence au chirurgien italien Tagliacozzi qui la développa à la fin du XVIe siècle. Très contraignante, elle est utilisée pour les pertes tégumentaires au niveau du nez et du menton. Après avoir découpé chez le mutilé un lambeau de peau du bras, ce dernier est accolé pendant deux ou trois semaines sur la partie du visage à réparer. La peau fournie par le bras permet en théorie à la plaie de se refermer. Mais, ne nous leurrons pas, cette méthode très archaïque connut des résultats mitigés !

Laboratoires à ciel ouvert

Les champs de bataille furent de vastes laboratoires à ciel ouvert pour les médecins pendant la Première guerre mondiale. Ces derniers, devant l’horreur et la souffrance, ont su améliorer les techniques existantes et en improviser de nouvelles dont certaines sont, fort heureusement, passées à la postérité. Où l’on rappelle à travers l’histoire combien la médecine est une science expérimentale.

Références :

Alexis Carrel-1873-1944, de la mémoire à l’histoire, Alain Drouard, L’Harmattan, 1996- Normalien, agrégé d’histoire et directeur de recherche au CNRS, Alain Drouard est l’un des grands spécialistes français d’Alexis Carrel.

http://www.1914-1918.be/index.php- Site belge du docteur Patrick Loodts et de Francis de Look consacré au Service de Santé belge durant la Grande Guerre.

http://www.biusante.parisdescartes.fr/1418/- Excellent site de la Faculté de Paris Descartes qui décrit en images les greffes réalisées pendant la Première Guerre Mondiale.

Louis Jacob, Normalien/Etudiant en médecine, louis.jacob@ens-lyon.fr

 

RÉFÉRENCE
*Historiquement il s’agit de la « méthode Dakin-Carrel »

 

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11/01/2015
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