LE PARTAGE QUI JOINT L'UTILE A L'AGREABLE

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LU SUR INTERNET


Expliquer le Libre : le dessin animé «Ada et Zangemann» en version française

   Le dessin animé adapté de l'album jeunesse existe à présent en VF, une belle ressource pour initier aux principes des libertés informatiques.

PAR THIERRY NOISETTE 

 

    La Free Software Foundation Europe (FSFE) a annoncé cette semaine le lancement en français «du film d'animation "Ada & Zangemann - Un conte sur les logiciels, le skateboard et la glace à la framboise" en tant que ressource éducative libre. L'histoire a été adaptée en un film qui peut être utilisé librement dans les écoles.»

 

 

 

Livre et film sous licence libre

    Le dessin animé, de 31 minutes, a le soutien du ministère de l’Éducation Nationale français. La traduction en français du livre de Matthias Kirschner (texte), président de la FSFE, et Sandra Brandstätter (dessin), en allemand en version originale, avait été menée en 2023 par par une centaine de lycéens et des professeurs d’allemand, et le livre, publié chez C&F Editions, est aussi accessible en version numérique.

 

    Alexis Kauffmann, chef de projet logiciels et ressources éducatives libres au ministère de l'Éducation nationale et de la Jeunesse et fondateur de Framasoft, avait initié ce projet pédagogique collaboratif, avec l’aide des enseignantes et de l’ADEAF (Association pour le développement de l'enseignement de l'allemand en France).

 

Le livre et le film sont tous deux diffusés sous licence libre Creative Commons (CC by-sa, soit attribution – partage dans les mêmes conditions). Le dessin animé est maintenant disponible en anglais, allemand et en français, téléchargeable sur le Peertube de la FSFE, Wikimedia Commons et YouTube, ainsi que dans archive.org pour la seule version en anglais (liens ici).

 

    D'autres langues suivront dans les prochains mois, avec dans la file l'espagnol, le danois et l'italien, indique la FSFE.

L'histoire, destinée aux enfants de 6 ans et plus, est celle de l'inventeur Zangemann et de la petite Ada (clin d’œil à la pionnière Ada Lovelace). Comme écrit ici en 2023 à la sortie du livre en français, «c'est une histoire fascinante et motivante pour les jeunes, en particulier les filles, qui les inspire à bricoler avec du matériel et des logiciels et les encourage à façonner leur propre technologie. (…) Cet album réussit l’exploit de décrire avec clarté et humour, à travers ses exemples qui parleront à tous, la notion de liberté logicielle, et invite ainsi à réfléchir sur la démocratie concrète.»

 

source : https://www.zdnet.fr/blogs/l-esprit-libre/expliquer-le-libre-le-dessin-anime-ada-et-zangemann-en-version-francaise-405164.htm


13/02/2025
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MIA Seconde, cheval de Troie de l’IA dans nos métiers

14 janvier 2025

Erigée en étendard, l’application MIA Seconde conçue par la société EvidenceB, devait, après une phase d’expérimentation de quelques mois, être gracieusement offerte à toutes et tous les élèves de seconde à la rentrée 2024.

Les choses ne sont pas déroulées comme prévu, l’expérimentation s’est réduite à huit académies et à environ 150 lycées, selon le ministère. Son entrée en vigueur pour toutes et tous a été repoussée à septembre 2025. Plus que l’intelligence artificielle promise, MIA Seconde, outil numérique d’adaptative Learning, est composé d’algorithmes permettant la différenciation et la personnalisation de l’aide apportée aux élèves sur les savoirs dits « fondamentaux », c’est-à-dire le français et les mathématiques.

Une phase d’expérimentation qui se fait attendre

La phase d’expérimentation est censée avoir fait l’objet de « retex » qui n’ont pas été rendus publics. Il semblerait que l’application ne donne pas toute satisfaction sur le plan technique, ce qui expliquerait les retards, la période fulgurante d’essai d’un spécimen en ligne ainsi qu’un site compagnon affichant invariablement son inaccessibilité. On peut regretter qu’une levée de fonds de 4 millions d’euros ait été réalisée pour une phase expérimentale aussi floue.

Plus grave, l’installation dans les classes et hors de la classe de l’application révèle un véritable impensé en termes professionnels, pédagogiques et politiques.

Alléger la tâche des enseignant.es, vraiment ?

Sur le plan professionnel, les discours ont beau être rassurants, rien ne dit qu’une partie des possibilités offertes par l’intelligence artificielle et ses avatars ne remplacera pas des pans entiers de nos métiers. MIA Seconde, par exemple, offre d’ores et déjà, avec son module MIA Tube, des tutoriels vidéos ou audios conçus sur le plan didactique par des professeuržes de CPGE qui ajoutent une « légitimité » et une « plus-value » aux contenus proposés. En outre, parmi les sept algorithmes de l’application, l’un d’entre eux pourra même formuler des recommandations aux élèves. La relation professeur.e/élève s’en trouve redéfinie et réduite à une fonction d’accompagnement plus que d’enseignement. On notera aussi que les promesses récurrentes de suppression des tâches rébarbatives du métier d’enseignant.e seront désormais prises en charge par la machine. Or, rien n’indique, qu’au contraire, la gestion des échecs et des réussites d’élèves devant leurs écrans ne sera pas tout aussi, voire plus, laborieuse.

Une relation pédagogique bouleversée

Sur le plan pédagogique, la relation professeur.e/élève est aussi considérablement modifiée par un outil où le rôle de l’enseignant.e est parfois limité à une sélection d’exercices en fonction des résultats des tests de positionnement d’entrée en Seconde. Le tout s’opérant derrière un « tableau de bord » dont on n’a pas encore mesuré l’effet chronophage, ni l’(in-)utile complexité technique. À cela s’ajoute la question de l’utilisation en classe ou à la maison. MIA Seconde va-t-il se substituer à des heures de cours dites « normales » ou être relégué à un travail maison, facteur de surcharge de travail pour les élèves, d’inégalité numérique et de surexposition aux écrans ? Par ailleurs, pour Catherine de Vulpillières, cofondatrice de la société EvidenceB, MIA Seconde propose « autant de parcours personnalisés qu’il y a d’élèves ». C’est l’atomisation du groupe classe qui est en marche. De plus, dans le domaine de l’évaluation, MIA Seconde se veut une évaluation formative prenant appui sur les évaluations diagnostiques d’entrée en Seconde. En toute logique, une application qui validerait une évaluation sommative devrait fermer la boucle. Dès lors, tout le domaine de l’évaluation serait renvoyé à la machine et à des algorithmes opérant des sélections plus que des adaptations.

Des intérêts financiers colossaux

Il faut savoir que l’association EdTech France (EdTech, contraction d’Educative Technologie,  ensemble des acteurs des technologies de l’éducation) affiche un chiffre d’affaires en 2023 d’1,6 milliards d’euros pour la filière et une croissance moyenne de 11 % depuis 2021. On voit par là que l’Éducation nationale ouvre des appétits colossaux aux start-up tournées vers la formation et le numérique (avec ou sans IA, parfois simple étiquette marketing). Par excès de langage, les défenseurs de l’application MIA Seconde prétendent s’attaquer aux difficultés scolaires, voire au décrochage scolaire. 4 millions d’euros pour redresser les résultats d’un niveau, en l’occurrence la classe de Seconde, on peut imaginer que cela fasse rêver les dégraisseurs du service public d’éducation. L’enjeu est éminemment politique, l’EdTech constitue bel et bien le cheval de Troie des intérêts privés et entrepreneuriaux au sein de la forteresse École, théoriquement préservée des appétits capitalistiques.

 

Un écosystème à questionner

Enfin, MIA Seconde est paradigmatique, comme l’intelligence artificielle générative, de son perfectionnement par ses propres utilisateurs. Pendant la phase d’expérimentation, les professeur.es sont expressément invité.es à signaler toutes sortes de dysfonctionnements techniques ou erreurs de contenus. Il s’agit, à partir d’un outil inachevé, d’inciter les utilisateurs à fournir un travail gratuit au service d’un produit initié par une start-up privée. C’est ce qu’on appelle la boucle EdTech/École/Laboratoires scientifiques, l’École étant à la fois cliente des entreprises de technologies éducatives et fournisseuse de données pour les laboratoires scientifiques. Ainsi, EvidenceB, qui prétend s’appuyer sur « l’éducation fondée sur la preuve de la recherche fondamentale récente et des données mesurables et vérifiables » pour légitimer son intrusion dans l’École, est accompagnée par l’INRIA et Paris Université. La garantie de scientificité par les laboratoires fait fonction d’argument d’autorité.

En conclusion, « science sans conscience n’est que ruine de l’âme » et c’est bien ce qui se dessine avec de tels outils imposés au pas de charge sans recul ni regard critique. Plutôt que de s’engager dans une fuite en avant à l’aveugle, pour le SNES-FSU il est nécessaire de mesurer plus prudemment les bénéfices et les risques de ces outils dont on connait mal les conséquences à court, moyen et long terme.

 

Source : https://www.snes.edu/article/mia-seconde-cheval-de-troie-de-lia-dans-nos-metiers/


10/02/2025
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Michel Rocard et les logiciels libres

 

La première rencontre entre Michel Rocard et les communautés du logiciel libre eut lieu le 5 septembre 2001, lors d’un dîner organisé à Strasbourg par Gilles Savary, l’un de ses collègues députés européens du Parti des socialistes européens (PSE). Ce dîner fut le point de départ de son engagement dans une bataille politique de longue haleine qu’il mena jusqu’à son terme, le 6 juillet 2005, avec le rejet par le Parlement européen, en deuxième lecture, du projet de directive sur la « brevetabilité des inventions mises en œuvre par ordinateur ».

 

Michel Rocard n’était pas un familier des ordinateurs. Il continuait à coucher ses idées sur le papier, à l’encre marron de son stylo à plume, chaque ligne se décalant un peu à droite de la précédente, laissant à ses assistants le soin de mettre en forme la version numérique de ses interventions. Cependant, il mesurait parfaitement la portée de la révolution numérique et des bouleversements sociaux et économiques qu’elle induisait, ayant déjà réfléchi à ces sujets au sein du « Groupe des dix » créé par Jacques Robin [1]. Son mode de pensée, analytique, lui permettait d’aborder chaque problème de façon systémique, en considérant ses causes, conséquences et interrelations avec les différentes composantes de la société, sans se perdre dans des méandres techniques. Ainsi, c’est une fois pesés les enjeux économiques et les conséquences industrielles et de souveraineté de ce dossier, qu’il s’y investit pleinement.

 

Brevets logiciels et logiciels libres

 

Historiquement, les systèmes de brevets modernes établis à la fin du XIXe siècle étaient destinés à pérenniser des savoirs industriels jusqu’alors gardés secrets, en garantissant à leurs détenteurs un monopole d’exploitation temporaire en contrepartie de la divulgation des procédés revendiqués. Afin d’éviter l’extension abusive de ce système aux méthodes intellectuelles, comme cela s’était déjà vu en France avec la loi sur les brevets de 1791, le périmètre de la brevetabilité avait été défini par le fait que, pour constituer une invention brevetable, une innovation devait apporter une contribution dans un domaine « technique », ce dernier terme impliquant « l’usage contrôlé des forces de la nature ». Autrement dit, seuls les procédés innovants relevant du monde physique pouvaient être revendiqués.

 

L’émergence de l’industrie informatique, après la Seconde Guerre mondiale, eut plusieurs effets. En premier lieu, elle conduisit le législateur à s’interroger sur la protection juridique à octroyer aux logiciels, biens immatériels d’un genre nouveau. Parce que l’écriture d’un logiciel s’apparente à celle d’une œuvre écrite (puisqu’il s’agit, dans les deux cas, de formaliser dans un certain langage un ensemble d’idées et de processus de pensée), c’est le droit d’auteur qui fut choisi pour cela, le système des brevets ayant déjà, à l’époque, été jugé inadéquat. En deuxième lieu, elle conduisit à ce qu’un certain nombre de mécanismes industriels innovants embarquent désormais des ordinateurs pour leur contrôle (systèmes de freinage ABS, boîtes de vitesses automatiques, etc.), donnant naissance à une catégorie d’inventions « pilotées par ordinateur ». En conséquence, si la Convention du brevet européen (CBE) de 1973, toujours en vigueur, stipule bien que les programmes d’ordinateurs (logiciels) ne sont pas brevetables, l’interdiction de brevetabilité ne s’applique qu’au logiciel « en tant que tel », une invention pilotée par ordinateur devant toujours pouvoir être brevetable dès lors que la « contribution technique » relève bien de l’usage innovant des « forces de la nature ».

 

Cependant, de grands industriels de l’informatique et les offices de brevets n’étaient pas satisfaits de cet équilibre : les premiers, parce que le droit d’auteur, en protégeant chaque logiciel créé, ne permettait pas, à leur grand dam, d’établir de monopole de droit sur tout un secteur d’activité ; les deuxièmes, parce que l’ensemble des revenus de l’industrie logicielle échappait à leur commerce (la principale source de revenus des offices de brevets étant les frais de dépôt et de renouvellement sur les brevets qu’ils délivrent).

 

C’est ainsi que, depuis le milieu des années 1980, par des décisions issues de leurs propres « chambres d’appel » pourtant juges et parties, les grands offices de brevets mondiaux (notamment, l’US Patent and Trademark Office, USPTO, et l’Office européen des brevets, OEB) s’étaient engagés, de leur propre chef, dans un processus d’extension de la brevetabilité au domaine de l’immatériel. Ils forgèrent pour cela le terme d’« invention mise en œuvre par ordinateur » (or ce que met en œuvre un ordinateur, c’est bien un logiciel), et prétendirent que, pour qu’une innovation soit brevetable, il suffisait d’une contribution nouvelle (telle qu’un nouveau logiciel) utilisant des « moyens techniques » (tels qu’un ordinateur non innovant). Cette construction intellectuelle déviante était cependant illégale. Pour légaliser a posteriori ces pratiques, alors qu’une révision de la CBE en leur sens avait échoué de justesse en 2000, restait l’option d’une législation européenne ad hoc. La Commission européenne, sensible à la voix des lobbies, se mit donc à la tâche, produisant en 2000 une étude sur « l'impact économique de la brevetabilité des programmes d'ordinateurs », préalable à un projet de directive dont la première version fut publiée en 2002.

 

Les principales cibles des brevets logiciels sont les PME, TPE et développeurs individuels, qui n’ont pas les moyens de se défendre contre des procès abusifs en contrefaçon. Dans cette catégorie se rangent également les développeurs de logiciels dits « libres », c’est-à-dire diffusés selon des licences (s’appuyant sur le droit d’auteur) qui mettent à disposition des tiers le « code source » de leurs logiciels, exposant ainsi ouvertement leurs méthodes algorithmiques. Parce que les « libristes » ont, depuis les tout débuts de l’Internet, l’habitude d’échanger et de collaborer mondialement, et sont attentifs aux aspects juridiques concernant le logiciel, la menace des brevets logiciels, déjà réelle aux États-Unis, était bien identifiée. Ainsi, dès le moment où les projets de la Commission européenne furent connus, s’organisa en 1999 un collectif européen d’entrepreneurs et d’activistes, appelé « Eurolinux ». Il fut rejoint plus tard par une fondation dédiée à ces enjeux, la FFII, plus accueillante pour les PME dont les modèles économiques n’étaient pas basés sur des licences libres.

 

Michel Rocard au cœur de la bataille parlementaire

 

C’est à la suite des premières Rencontres mondiales du logiciel libre, organisées en juillet 2000 à Bordeaux, que j’intégrai le collectif Eurolinux. L’une de nos premières tâches fut d’alerter les parlementaires européens, et c’est à cette occasion que je pris attache avec Gilles Savary, député européen PSE de la région Sud-Ouest. Gilles Savary était alors membre de la commission ITRE (industrie et transports) du Parlement européen (PE) et, convaincu par nos arguments, commença à sensibiliser sa commission et son groupe parlementaire. Cependant, constatant l’importance du lobbying déjà engagé par les promoteurs de la brevetabilité logicielle, il sollicita la personne qui lui semblait la plus à même de pouvoir convaincre ses pairs s’il était lui-même convaincu : Michel Rocard. D’où le dîner en question [2] qui rassembla, outre Michel Rocard, Gilles Savary et Harlem Désir, quelques activistes dont j’étais, incluant Philippe Aigrain [3] qui travaillait alors à la Commission européenne. Après que nous lui eûmes exposé nos arguments pendant une vingtaine de minutes, il nous interrompit pour poser deux questions synthétiques, qui montraient qu’il avait immédiatement saisi les enjeux considérables du dossier. Il était intéressé, mais pas encore convaincu. Pour autant, afin d’avoir la main sur le dossier, il le fit attribuer pour avis à la commission Culture du PE, qu’il présidait alors.

 

Michel Rocard ne s’engageait pas à la légère, et adorait la stimulation intellectuelle offerte par de nouveaux horizons. En la matière, il ne fut guère déçu, découvrant, au gré des actions militantes auprès du PE, une communauté d’activistes « libristes » agissant de façon peu conventionnelle, inondant quasi-instantanément les boîtes courriel des eurodéputés de contre-argumentaires étayés à chacune des déclarations des pro-brevets, et parfois fort peu diplomates [4]. Il s'amusa particulièrement de la bataille qui vit s'opposer les rameurs des logiciels libres repoussant le gros bâteau publicitaire des lobbies sur l'Ill (voir image). Il n’empêche : amoureux de la culture et du partage du savoir, il mesurait les potentialités d’un univers numérique dans lequel ce qui était conçu une fois pouvait être rendu librement accessible à tous à faible coût [5], et que ces brevets détruiraient [6]. Il s’agissait également de souveraineté numérique : la légalisation de ces brevets en Europe donnerait un avantage d’antériorité aux brevets des entreprises étasuniennes, leur octroyant un droit de vie et de mort sur l’ensemble de notre industrie logicielle [7].

 

Il lut avec attention les argumentaires de tous bords, cherchant les idées-forces et les failles de logique de chacun, afin de dégager, si possible, une route de compromis qui satisfasse l’ensemble des parties. Face aux pro-brevets qui argumentaient que, sans ceux-ci, l’Europe serait à la merci des États-Unis, car incapable de protéger ses « inventions », il constata l’évidence : peu importait que les États-Unis disposassent de brevets logiciels et pas l’UE. Les brevets étant des instruments territoriaux, les entreprises européennes ne seraient pas désavantagées par l’absence de tels brevets en Europe, sachant qu’elles pouvaient très bien s’en faire délivrer aux États-Unis si elles le souhaitaient, l’UE restant une « zone sûre » pour ses propres PME. Cet argument finit d’emporter sa conviction ; les manœuvres des pro-brevets la renforcèrent chaque fois plus. Le compromis étant impossible et la décision prise, il fallait tenir.

 

Le discours qu’il prononça lors de la réunion de la commission parlementaire aux affaires juridiques du PE avec le Commissaire McCreevy, le 2 février 2005, expose les différentes manœuvres qu’utilisèrent les pro-brevets pour tenter d’arriver à leur fin, et renvoie ces derniers à leurs contradictions [8]. Michel Rocard n’aimait ni la vulgarité, ni l’intimidation : face à un commissaire McCreevy qui, lors d’une discussion technique privée, lui demanda en éructant s’il « voulait la guerre », il répondit avec flegme et fermeté que « des guerres, il en avait déjà arrêté deux, mais que ce n’était pas parce qu’il était un homme de paix qu’il céderait à l’intimidation », clouant le bec à son interlocuteur [9].

 

Au final, le projet de directive fut rejeté en deuxième lecture (une première dans l’histoire de l’UE), le 6 juillet 2005, par le score écrasant de 648 voix contre 14, et 18 abstentions ; les pro-brevets votèrent également contre le texte, craignant des amendements ultérieurs qui auraient pu explicitement forcer l’OEB à réviser ses pratiques, qui perdurent à bas bruit.

 

Cette bataille parlementaire et les arguments échangés firent progresser sa réflexion sur les modèles économiques à l’ère numérique, en soutien des vues de Rifkin sur l’économie de l’accès [10]. Il en vint à considérer les capacités d’échanges informationnels entre contributeurs et communautés comme un moyen de sortir d’un système capitaliste centré sur la rente et la rareté, et les licences libres comme vecteurs juridiques d’un modèle d’organisation sociale à favoriser [4]. Il y retrouvait la possibilité de mise en œuvre des idéaux socialistes et autogestionnaires qu’il embrassa dès le début de sa carrière, et qu’il a toujours défendus.

 

François Pellegrini, professeur d’informatique à l’université de Bordeaux

Septembre 2021

 

Source : https://michelrocard.org/site-michel-rocard/analyses/societe/michel-rocard-et-les-logiciels-libres


06/02/2025
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Qu’est-ce que la neutralité du net, ce principe fondamental sur lequel les États-Unis reviennent à nouveau?

 

Les États-Unis rétropédalent encore sur la neutralité du net. Une cour d’appel américaine de Cincinnati, dans l’Ohio, a aboli jeudi 2 janvier ce principe fondateur d'internet. 

Un internet neutre, ça veut dire quoi ? 

Le principe de neutralité du net, théorisé par Tim Wu, un professeur de droit de l'université de Columbia en 2003, c'est le fait que les fournisseurs d’accès à internet (FAI) n’ont pas le droit de permettre un accès plus rapide à certains contenus ou services plutôt que d’autres et inversement, de les filtrer. Autrement dit, ils n'ont pas de droit de regard sur les contenus qui passent par leurs tuyaux. Ce qui signifie concrètement que le blog que votre tonton anime sur les boules à neige bénéficiera du même traitement en termes de flux qu’un grand site d’informations comme celui de rfi.fr. Il garantit donc en théorie un accès égalitaire à internet. 

 

Certains pays ont adopté des lois pour protéger la neutralité du net. Aux États-Unis, en 2015, l’administration Obama avait mis en place une règlementation obligeant les fournisseurs d’accès à respecter ce principe, sous peine de sanctions. Le républicain Donald Trump avait abrogé ce principe durant son premier mandat, mais la Federal Communications Commission (FCC), le régulateur américain des télécommunications, a rétabli en avril 2024 ce cadre règlementaire. « Chaque consommateur mérite un accès à internet rapide, ouvert et équitable », avait alors déclaré Jessica Rosenworcel, présidente de la FCC, ajoutant que ce principe « garantit que vous puissiez aller où vous voulez et faire ce que vous voulez en ligne sans que votre fournisseur de haut débit ne fasse des choix à votre place. Elles indiquent clairement que votre FAI ne doit pas avoir le droit de bloquer des sites web, de ralentir des services ou de censurer des contenus en ligne ».

 

Depuis 2016, l’Union européenne aussi a intégré ce principe dans sa règlementation en imposant des obligations strictes aux FAI. En France, l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep), veille à son respect. « La neutralité du net, indique-t-elle sur son site, est l’un des principes fondateurs d’internet, qui exclut la création d’accès à internet “à plusieurs vitesses”, par une gestion favorisant certains flux d’information au détriment d’autres (discrimination), ou la création d’accès à internet limités (à certains contenus ou certaines plateformes) ».   

Pourquoi ce principe est-il l'objet de débats ?

Ce principe fait l'objet de vifs débats aux États-Unis comme ailleurs. Pour certains, il est un garant des libertés et de l’égalité sur internet, mais d’autres y voient un frein au développement des entreprises et à l’innovation. 

 

Du côté des pro-neutralité du net, on trouve des ONG de défense des libertés numériques et des consommateurs, ainsi que les grandes plateformes numériques pour qui ce principe est garant de la libre-concurrence. La neutralité du net les protège de voir un nouvel arrivant sur le marché ou un concurrent payer pour un traitement prioritaire qui nuirait à leur compétitivité.  

Du côté des opposants, il y a surtout les fournisseurs d’accès. « Notre combat pour empêcher le contrôle injustifié du gouvernement sur internet a été gagné », s’est d'ailleurs réjoui Grant Spellmeyer, directeur du groupe de télécom ACA. Pour eux, cette dérégulation est synonyme de manne financière, avec la possibilité de faire payer des abonnements plus chers pour un meilleur débit ou l’accès à certains services. Leur principal argument est que le développement du réseau coûte cher et que la fin de la neutralité du net leur permettrait d'investir davantage.

 

Un argument dont Brendan Carr, que Donald Trump a désigné pour reprendre la présidence de la FCC, et qui s’est aussi félicité de cette décision de justice, s'est fait écho. Ce farouche opposant à la neutralité du net estime qu'elle conduit à considérer les télécoms comme des services publics, moins prompt à investir dans les réseaux internet ultrarapides. Un argument battu en brèche par les défenseurs de la neutralité du net, comme l'ONG Free Press : « Traiter le haut débit comme un service public ne freine pas et ne dissuade pas du tout l'investissement privé dans cette infrastructure cruciale ».

Quelles conséquences pour les utilisateurs ? 

Avec la fin de la neutralité du net, c’est le risque que les opérateurs télécoms dominants comme Verizon, Comcast ou AT&T aux États-Unis puissent ralentir ou censurer certains sites, et favoriser d’autres services, créant des voies « rapides » ou « lentes ». C’est ce qui s’est passé après la dérégulation de 2017 : certains FAI ont bridé les services des fournisseurs de contenus comme YouTube, Netflix ou le service vidéo d'Amazon Prime, sous prétexte de gérer la congestion du réseau. Poussant les utilisateurs à payer pour des abonnements plus coûteux afin d'éviter ces limitations.

 

La fin de l'obligation pour les fournisseurs d'accès de respecter la neutralité du net peut aussi nuire à termes à la diversité des contenus en ligne en favorisant les grandes entreprises qui disposent de moyens financiers assez importants pour négocier des accords de priorité avec les opérateurs télécoms. Au détriment des petites startups et des créateurs de contenu indépendants.

« La décision d'annuler la neutralité du réseau aura un effet dévastateur sur la liberté d'expression en ligne », a déclaré Jenna Leventoff, de l'Union américaine pour les libertés civiles.

 

Mais cette décision ne signifie pas la disparition de la neutralité du net partout. Après 2017, plusieurs États avaient tenté de garantir ce principe en adoptant leurs propres législations. C’est le cas de la Californie, siège de la Silicon Valley qui abrite les plus grandes entreprises du numérique. Mais aussi du Colorado, de l’Oregon, du Vermont et de l’État de Washington.

 

SOURCE  https://www.rfi.fr/fr/monde/20250104-qu-est-ce-que-la-neutralit%C3%A9-du-net-ce-principe-fondamental-sur-lequel-les-%C3%A9tats-unis-reviennent-%C3%A0-nouveau


05/02/2025
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#IA : Tout savoir sur DeepSeek : l’IA chinoise qui veut détrôner ChatGPT

Découvrez tout ce qu'il faut savoir sur Deepseek, l'IA chinoise concurrente OpenAI. Fonctionnement, sécurité, inscription : Nous vous dirons tout !

DeepSeek : l'IA chinoise qui veut détrôner ChatGPT

Depuis l’essor de ChatGPT, OpenAI semblait intouchable. Pourtant, un nouvel acteur venu de Chine bouleverse le paysage de l’intelligence artificielle.

Avec une architecture innovante, un coût réduit et une approche open source, ce modèle se positionne comme une alternative sérieuse aux solutions propriétaires. Ses performances, comparables à celles de GPT-4, interrogent : DeepSeek est-il meilleur que ChatGPT ?

DeepSeek R1 : l'IA chinoise qui bouscule les géants américains

Développé à Hangzhou par Liang Wenfeng, DeepSeek R1 est le dernier modèle d’intelligence artificielle générative à faire parler de lui. Sa particularité ? Une architecture Mixture-of-Experts (MoE), qui active dynamiquement les paramètres nécessaires en fonction des requêtes, optimisant ainsi les performances tout en réduisant la consommation énergétique.

Cela veut dire que contrairement aux modèles classiques comme GPT-4 qui mobilisent toute leur puissance à chaque question, DeepSeek Chat n’active que les parties de son cerveau nécessaires pour répondre.

Résultat : plus de rapidité, moins de ressources gaspillées et une IA plus économe en énergie.

DeepSeek, le ChatGPT chinois en chiffres

DeepSeek est une IA générative créer par une entreprise chinoise. Voici les chiffres clés de ce ChatGPT chinois :

671 milliards de paramètres, avec activation dynamique de 37 milliards par requête

14,8 trillions de jetons utilisés pour l’entraînement.

Coût de développement estimé à 5,6 millions de dollars, contre plus de 100 millions pour GPT-4.

Téléchargements records sur Hugging Face, plateforme open source spécialisée dans l’intelligence artificielle et le traitement du langage naturel : plus de 131 000 de téléchargement par jour.

Application la plus téléchargée sur l’App Store américain devant ChatGPT.

Une telle montée en puissance ne passe pas inaperçue, d’autant plus que DeepSeek repose sur un modèle d'IA open source, offrant une alternative transparente aux solutions fermées d’OpenAI et Google.

DeepSeek est-il gratuit ?

Contrairement à ChatGPT qui réserve son modèle le plus avancé (GPT-4) aux abonnés payants, DeepSeek est gratuit : il propose un accès open source et gratuit à son modèle R1.

Toutefois, il existe des limitations selon l’usage :

L’accès gratuit permet d’utiliser DeepSeek via des plateformes open source comme Hugging Face.

Une API est disponible pour les entreprises, avec un modèle freemium permettant un nombre limité de requêtes gratuites avant de passer à une offre payante.

L’application mobile DeepSeek propose un accès de base gratuit, avec des fonctionnalités avancées réservées aux abonnements premium.

À ce jour, DeepSeek reste l’une des IA génératives les plus accessibles du marché, notamment pour les développeurs et chercheurs.

Comment s’inscrire à DeepSeek ?

Vous vous demandez "comment s'inscrire à DeepSeek ?", il faut savoir que l’accès à DeepSeek varie selon l’utilisation souhaitée.

1. Utiliser DeepSeek gratuitement

Via Hugging Face : DeepSeek-R1 est disponible en accès libre sur Hugging Face, où il peut être testé et intégré dans des projets IA.

Sur l’application mobile : Disponible sur l’App Store et Google Play, l’application DeepSeek offre une expérience utilisateur similaire à ChatGPT.

Sur le site web officiel : Pour utiliser DeepSeek directement en ligne, rendez-vous sur deepseek.com et connectez-vous avec une adresse e-mail ou un compte existant.

2. S’inscrire à l’API DeepSeek

Rendez-vous sur le site officiel de DeepSeek.

Créez un compte avec une adresse e-mail ou connectez-vous via un identifiant GitHub.

Accédez aux clés API pour intégrer DeepSeek dans vos applications.

L’API permet d’exploiter les capacités du modèle pour du chatbot avancé, de la génération de contenu ou de l’analyse sémantique.

DeepSeek vs ChatGPT : une comparaison sans appel ?

DeepSeek vs ChatGPT, qui remporte le prix de meilleur agent conversationnel ? C'est la question que tout le monde se pose. Voici donc un comparatif entre les deux géants de l'intelligence artificielle :

 

Source : https://velcomeseo.fr/blog-seo/tout-savoir-sur-deepseek-ia-chinoise-qui-veut-detroner-chatgpt


02/02/2025
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